vendredi 19 mars 2010

"LES NOUVELLES ARCHIVES DE L'ETRANGE" EN LIBRAIRIE DEBUT MAI 2010.

DECOUVRIR EN AVANT PREMIERE L'ESPRIT DU CONTENU  DES "NOUVELLES ARCHIVES DE L'ETRANGE". ~~                                   


 - INTRODUCTION–


Depuis son apparition journalistique (1) le fait-divers a été perçu, chez bon nombre d’élites, comme la lie de l’information, une sorte de trou de serrure propice au voyeurisme social et qui, de facto, a été reléguée dans la rubrique des « chiens écrasés ». Aujourd’hui, par la grâce des nombreuses études universitaires, sociologiques, philosophiques, ethnologiques etc. dont il est l’objet, le fait-divers semble avoir évolué vers une notion plus juste si l’on admet qu’il contient en lui-même la diversité de la vie. « Le fait-divers se place ainsi au cœur de l’un ou l’autre des deux problèmes essentiels : ce que l’homme est dans le monde, et ce qu’il est lui-même. Et que rien « d’autre ne saurait être plus intéressant » a écrit Roger Grenier (2). C’est en cela qu’il est la matière inépuisable du récit au sens où Roland Barthes (3) estime que « le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés (…) et que le récit est là, comme la vie.» Ainsi, le fait-divers dont le terme semble être une maladresse sémantique n’est pas (ou n’est plus) « l’événement inclassable » mais l’essence de toute histoire humaine. Il est le révélateur de « la magie des exceptions de la vie » ou de « l’absurde qui s’installe dans l’intelligence pour la gouverner avec une épouvantable logique » comme l’a écrit Charles Baudelaire dans sa préface introductive de la première édition des « Nouvelles extraordinaires » d’Edgar Poe. Le fait-divers est aussi –et c’est incontestable – une sorte de corne de fortune qui nourrit la littérature.

Ainsi, ces « Nouvelles archives de l’étrange » recueil de récits radiophoniques, sont toutes inspirées de faits-divers et sont donc des histoires de femmes et d’hommes dont l’absurde a brutalement et parfois violemment, transformé leur vie en destin. Raconter leurs histoires et, par l’écrit, les ancrer dans la mémoire collective c’est tenter de préserver les acteurs de ces parcelles ou ces lambeaux de temps passés. C’est aussi rendre hommage à tous ces êtres qui, malgré eux, et par le récit, deviennent parfois des héros romanesques.

Eric Yung.

(1) sans doute en 1860 avec la naissance du « Petit Journal », le quotidien populaire à un sou.

(2) " De l'utilité des faits divers ", in Les Temps modernes, n°17.

(3) Barthes 1981 [1966]

mardi 16 mars 2010

COLETTE ET LE 9, RUE DU BEAUJOLAIS ~~

Pouvez-vous imaginer une femme à la chevelure blanche et frisée, le corps raidi par la paralysie et qui, dans un dernier souffle, tente de relever son torse, juste ce qu’il faut, pour que ses yeux s’emplissent, une dernière fois, des beautés du jardin du Palais Royal ? C'est Maurice, son mari, à la force des bras qui redresse et maintient assise la vieille dame dans ce qu’elle a si longtemps nommé son « lit-radeau ». Maintenant, par la fenêtre du premier étage du 9 rue du Beaujolais elle pose son regard sur l’immensité verte du gazon, admire les massifs de fleurs et les grands arbres témoins de l’Histoire et dit :
- « Regarde Maurice ! Regarde ! »

Sitôt ces mots prononcés, la dame quitte son appartement pour toujours. Colette –oui, la grande Colette- vient de mourir ! Nous sommes le 3 août 1954.

Si Colette  a encré son existence au 9 rue du Beaujolais et ce par amour du Palais Royal elle n' y a pas toujours occupé l’étage "noble". Pas du tout. Elle a d’abord résidé dans « le tunnel » c'est-à-dire dans un entresol qu’elle a décrit ainsi : « Il était noir ! Il fallait de la lumière toute la journée. Il était si étroit qu’on y pouvait manger que de l’anguille.

En vérité, « le tunnel » -elle y a habité de 1926 à 1929- était un bouge nommé pudiquement –et je cite-
« poste de guet pour demoiselles de plaisir ». C’est là que ces dames restaient à l’affût des clients derrière les fenêtres cintrées dites castors ou demi-castors selon que leurs moyens et la prospérité de leur industrie les rendaient locataires d’une fenêtre entière ou d’une moitié de fenêtre ». En effet, Colette a vécu dans un ancien bordel !

Dès lors, le 9 rue du Beaujolais et que ce soit dans le tunnel ou, plus tard, à « l’étage ensoleillé » est devenu la source vive de son inspiration. C’est ici, que Colette a rédigé  la plus grande partie de son œuvre. Durant des années, le domicile de Colette a été le rendez-vous des plus grands artistes. Ils sont venus la voir, la consulter de tout Paris et du monde entier. Parmi les personnages les plus célèbres et dont les noms sont à jamais installés dans la mémoire collective il y a eu Paul Morand, Courteline, Cocteau, Francis Carco, Sacha Guitry, Jean Genet, Henri Mondor, Henri Matisse, François Mauriac et bien d’autres célébrités universelles.

Lorsque Colette est morte ( le 3 août 1954) le gouvernement français a organisé, le 7 août, pour rendre hommage au grand écrivain mais aussi à la parisienne, habitante amoureuse de son quartier, une cérémonie dans le jardin du Palais Royal, juste devant le 9 rue du Beaujolais. Une cérémonie ? Que dis-je ! La République a accordé, pour la première à une femme, des funérailles nationales.
Eric Yung.