samedi 5 mars 2011

HONORE DE BALZAC EST-IL LE PERE DU ROMAN POLICIER FRANCAIS ?


BALZAC : "UNE TENEBREUSE AFFAIRE"

 Balzac et sa fameuse « Comédie humaine » tout le monde connaît !  En revanche, combien de lecteurs savent que Honoré de Balzac a écrit un roman qualifié aujourd'hui de "policier" et qui a eu –au temps de sa publication - beaucoup de succès ? "Une ténébreuse affaire » serait donc le premier polar français !  La thèse est agréable à entendre mais elle n’est point –loin de là- établie formellement. En effet, si quelques universitaires disent volontiers qu’Honoré de Balzac est le père du roman policier français, une majorité d’historiens de la littérature lui dénient cette reconnaissance et ce, pour des raisons que l’on pourrait qualifier de purs académismes dont les règles ont été fixées par quelques spécialistes du genre. Que penser de cette recherche de légitimité sur un genre littéraire qui deviendra plus tard le polar ? C'est un débat intéressant, quelques érudits aiment à l'entretenir et l'enrichir et il est loin d'être clos.  Pour l'instant, retenons que tout le monde s’accorde à dire que c’est Edgar Poe, lorsqu’il publie, en 1841, « Le double assassinat de la rue Morgue » qui serait l’inventeur du genre policier tandis qu’Emile Gaboriau serait le premier écrivain français a avoir écrit de vrais romans policiers avec, en 1866, l’« Affaire Lerouge » et en 1867 « Le crime d’Orcival ».
Revenons donc à Balzac et à son fameux roman « Une ténébreuse affaire ». Si ce livre a connu un très grand succès lors de sa parution c’est qu’il a été inspiré de faits réels forts connotés par l’Histoire de France. En effet, Balzac a voulu –et de nombreux documents en attestent- percer, pour le décrire, ce que fut, à ses yeux, le mystère de la crise de Marengo, c'est-à-dire le complot qui, en 1800, devait destituer Napoléon afin qu’un triumvirat composé de messieurs de Talleyrand, Fouché et du sénateur Clément de Ris puissent prendre le pouvoir. Mais l’Empereur emporta la bataille de Marengo contre les autrichiens ; une victoire qui fit échouer la conspiration. Toujours est-il qu’au-delà de l’aspect historique de ce roman d’autres ingrédients narratifs le rendent passionnant. L’intrigue d’abord avec ce policier Corentin, âme damnée de Fouché, chargé d’enquêter sur les nobles impliqués dans le complot, un trésor caché dans une forêt, des trahisons, un enlèvement, des condamnations et une exécution capitale, du suspens et une chute inattendue puisque le ou les coupables et les « méchants » n’étaient pas ceux que le lecteur croyait.

Bref, si vous voulez vous régaler avec un roman de Balzac un peu oublié, lisez « Une ténébreuse affaire ». Sa lecture vous réjouira. Après, il vous restera , si vous le souhaitez, à dire sur ce blog si, selon vous, Honoré de Balzac est ou n'est pas le père du roman policier français ? 
« Une ténébreuse affaire » est aujourd’hui édité, en « poche ». C’est chez Gallimard dans la collection Folio.
Eric Yung.























lundi 28 février 2011

A L'OCCASION DE L'ENTREE SYMBOLIQUE D'AIME CESAIRE AU PANTHEON.

AIME CESAIRE / La décision officielle est prise : au printemps, dans le cadre de l'année dédiée à l'Outre-Mer, une plaque au nom d'Aimé Césaire, sera scellée au Panthéon. Une occasion de revisiter le grand poète, l'humaniste et l'homme politique père de la négritude.

Devant l'oeuvre d'un homme d'une si grande qualité, comment pourrait-on, aujourd'hui, ignorer l’écrivain, le poète, l’essayiste et le « politique » Aimé Césaire ? Si presque tout le monde connaît l’itinéraire exceptionnel de Aimé Césaire, ce Martiniquais né au sein d’une famille modeste de sept enfants le 26 juin 1913 à Basse-Pointe, il faut peut-être -pour les plus jeunes d’entre nous - rappeler qui il est et surtout parler de son oeuvre.
L’œuvre de Césaire –et c’est qui en fait son originalité- est faites de philosophie et d’humanisme, de combats politiques et d’espérance, d’esthétisme et de création, de recherches et d’acquis, de connaissances et d'une farouche volonté de transmettre le savoir, d’actes de courage et de rébellion. Un tout soumis à sa propre critique et harmonieusement mis en forme. L'oeuvre d’ Aimé Césaire n’est pas la résultante d’une simple et ordinaire -sommes-nous tenté de dire- construction artistique. Non ! Chez Aimé Césaire, la construction artistique est devenue une œuvre parcequ'elle s'est nourrie de multiples disciplines intellectuelles et qu'elle s’est inscrite en cohérence avec l’action pour devenir une « pensée » ; une pensée élevée ici, chez Césaire, au rang d’universalisme.

Enfant et sitôt finie l'école primaire il bénéficie d’une bourse pour entrer en classe d’hypokhâgne au lycée Louis le Grand à Paris. Dès son premier jour de scolarité il rencontre Léopold Sédar Senghor avec qui il noue une amitié qui durera toujours. Il réussit le concours d’entrée de l’Ecole normale supérieure, sera agrégé de lettres et après avoir enseigné en Martinique il est l'élu de Fort de France et deviendra député communiste. Soulignons ici que cet homme de principe est l’un des très rares hommes politiques à dénoncer l’invasion de Budapest par les chars soviétiques. D'ailleurs, c'est à cette époque qu’il démissionne du Parti communiste français. C’était donc en 1956. Pour la petite histoire rendons à Césaire ce qui appartient à Césaire : c'est lui l'homme de la "départementalisation". En effet, la est un néologisme forgé, dès 1946, par Aimé Césaire. Par « départementalisation » le brillantissime Césaire a voulu remplacer le mot « assimilation », un mot ambigu - reconnaissons-le - lorsqu’il s’agissait de définir le désir des colons d’autrefois de voir les noirs antillais renier leur culture pour s’intégrer dans celle, historique, de la France. De même, c’est Aimé Césaire qui a inventé le concept de « négritude ». Une revendication culturelle ayant pour but de réfuter, à jamais, le racisme issu de l’idéologie colonialiste et ainsi revendiquer les racines africaines des antillais.
La « négritude » est devenue, avec le temps, une école de poésie dans laquelle se sont retrouvés les plus grands auteurs contemporains. C’est d’ailleurs grâce à la « négritude » que Césaire a été reconnu et aimé des surréalistes, qu’il a été admiré de Jean-Paul Sartre qui lui a préfacé son « Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache ».
L’œuvre littéraire d’Aimé Césaire ne comptent pas moins d’une dizaine de volumes de poésie, d’au moins quatre pièces de théâtre, de plusieurs essais et d’un livre d’histoire. Le poète Césaire est reconnu internationalement, une partie de son œuvre est enseigné aux élèves du monde entier, il a été l’ami de tous et respecté par les plus grands de ce monde. Enfin, pour dire sa tolérance et sa lucidité intellectuelle citons, pour terminer cette chronique, cette phrase (elle est tirée d’ « Une saison au Congo », c’est paru au Seuil) :
« Le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme ».

Aimé Césaire est mort le 17 avril 2008 à l’âge de 94 ans.

Eric YUNG