dimanche 27 décembre 2009

PROMENADE SUR LE BOULEVARD DU CRIME à PARIS ~~


CIRQUE OLYMPIQUE (Intérieur) du boulevard du Temple à Paris.




Quelques un d’entre nous ne manqueront sans doute pas d’être surpris : le « boulevard du crime" n’a jamais été celui que l'on a cru !  Si la rumeur et les « on-dit » ont fait du boulevard du crime un lieu épouvantable, un bout de quartier de la République où d’honnêtes gens se faisaient dépouillés et même trucidés à tout va, la réalité est toute autre. Le boulevard du crime, c'est-à-dire le boulevard du Temple situé à cheval sur le 3° et 11° arrondissement de Paris, était l’un des endroits les plus charmants de la capitale. Chaque soir et jusqu’à tard dans la nuit –et c’était donc il y a un peu plus d’un siècle- 20.000 personnes venaient s’y promener, chanter, rire et s’amuser. Bref le « boulevard du crime » était la kermesse permanente du plaisir. En effet, le boulevard du crime ne doit pas son nom à sa mauvaise réputation et il n’a jamais été le refuge des malfrats, apaches, arsouilles, canailles et fripouilles en tous genres. Non ! Le boulevard du crime doit son nom à son activité joyeuse et culturelle. Les théâtres y étaient très nombreux et l’on y présentaient des pièces écrites par d’illustres écrivains et jouées par de grands comédiens et comédiennes. Elles avaient toutes un point commun : c’étaient des pièces de théâtre de genre policier. Oui, vous avez bien entendu : les théâtres du boulevard du temple interprétaient des « polars » (si vous préférez) mis en scène et interprétés par les grands acteurs de l’époque. Ces théâtres (dont le théâtre Déjazet qui existe toujours) étaient plus de 25 concentrés en ce lieu. Et tous jouaient, jours et nuits, à guichets fermés. Le succès était si grand que les autorités publiques ont débaptisé le boulevard du Temple pour l’appeler, très officiellement, le boulevard du crime. Beaucoup de curieux des choses de l’histoire ont cru longtemps que cette appellation était la conséquence d’une tentative d’assassinat –perpétré contre Louis Philippe (c’était le 28 juillet 1835). Il n’en est rien. En réalité, la soi-disante mauvaise réputation du boulevard du temple est due au recensement aussi particulier qu’étonnant, établi par « l’Agenda des spectacles », un journal des années 60, 1860 évidemment. Ainsi, un de ses journalistes, un critique théâtral, s’était amusé à compter le nombre de meurtres qu’il y avait eu, depuis vingt ans, sur toutes les planches du boulevard du crime. Il avait compté que l’acteur Tautin avait été poignardé 16 302 fois, que le comédien Marti avait subi 11.000 empoisonnements, que son collègue Fresnoy avait été immolé 27.000 fois et que mademoiselle Adèle Dupuis, une vedette qui jouait les innocentes, avait été séduite, enlevée ou noyée 6.400 fois. En tout il avait répertorié 151.702 crimes sachant que les victimes ont toutes, et très longtemps, joui d’une excellente santé et de l’estime du public. Et pour cause ! Le boulevard du Temple a construit sa notoriété grâce à ses théâtres spécialisés dans les mélodrames terrifiants, sanglants et dans lesquels les orphelins étaient persécutés, les enfants volés et les bourgeois poignardés. Conséquence, le boulevard du crime était devenue la promenade publique la plus prisée de France. Le roi en avait même fait son lieu de parade. Le parisianisme de l'époque voulait que l’on s’y montre pour y chercher de la reconnaissance. Et puis il y a eu Eugène Haussmann.

C’était en 1862. Cette année là, tous les théâtres furent démolis sur son ordre. Les protestations, les manifestations de rues et les pétitions n’y ont rien fait. Alors, le 15 juillet -à minuit pile- les cloches de Paris ont sonné la fin du boulevard du crime. Cette nuit là, aux « Folies dramatiques » on a joué une dernière représentation, une pièce en 3 actes et 14 tableaux, un mélodrame fantastique titré « Les adieux du boulevard du Temple ».

Voilà, vous connaissez la vérité sur le boulevard du crime et lorsque vous promènerez sur le boulevard du Temple vous songerez peut-être à ces liesses d’antan qui ont fait les beaux jours de Panam’.
Eric Yung.

Aucun commentaire: