lundi 20 juillet 2009


Louis Nucera –
Chronique


Celles et ceux qui reliront (peut-être) Louis Nucera (comme je l’ai fait cet été) auront du vrai et pur bonheur de lecture. Les livres de Louis Nucera ont en commun ce goût suave des fictions dont l’épicentre du sujet est consacré à l’Etre qui se tient debout dans un environnement toujours ensoleillé. Qu’il soit passant, frère ou ami, Louis Nucera les a peints avec des mots de couleurs, il nous en a parlé dans un style qui n’est que le sien, c'est-à-dire avec cet art de la phrase dépouillée, des mots simples et justes. Quel écrivain n’aurait pas aimé écrire cette phrase tiré d’un de ses romans dédié à Suzanne, sa femme : « il se caressait les yeux à la regarder » ? Aucun. Pour dire encore la beauté du style de Nucera référons-nous a François Bott qui, dans une sorte d’hommage à l’auteur du « Chemin de la lanterne » -prix Interallié 1981) et rédigé pour un magazine littéraire a écrit : il est « cet écrivain très classique qui savait organiser le complot de la grammaire et de l’émotion ». Louis Nucera était aussi un maître dans l’art du portrait. En effet, comment ne pas être ému par cette phrase tirée de « Mes ports d’attache » un livre consacré à ses amis disparus et qui, au sujet de Joseph Kessel, disait : « le visage de Kessel interprétait les mouvements de son cœur, comme le ciel et la mer dessinent les frasques du temps ». Nucera qui se plaisait à dénoncer, sans cesse, tout comme Joseph Kessel « la foire des vanités » avaient avec lui pour points communs - et je cite-: « d’aimer le spectacle de la vie, l’extravagance humaine sans nous s’en lasser, les repas entre amis (…) et l’humilité ». Il aimait répéter que les écrivains « étaient les envoyés de la beauté sur terre ». Il aimait si fort la littérature qu’il regrettait publiquement, une pointe de colère dans la voix, que les « discours d’un rocker ou d’un animateur de la télévision revêtent, aujourd’hui, plus d’importance que les propos des écrivains ».
Un constat, puisque cela en est un, qu’il partageait avec ses amis les plus proches : Kessel bien sûr, mais aussi Brassens, Cocteau, Blondin, Moretti, Lino Ventura, Henry Miller et Kundera dont la passion de la bicyclette les avait sans cesse rapprochée. Chers amis de France Bleu qui ne vous souvenez plus ou –heureux lecteurs de demain!- qui ne connaissait pas encore les livres de Louis Nucera, ne seriez-vous pas sensible à cet écrivain, à cet « homme guidé par le souci d’admirer, le désir de rendre justice à la beauté des choses et qui appréciait la politesse du désespoir, la peinture des états d’âme, le tango, l’alchimie des sentiments, le l8° arrondissement, les vieux quartiers niçois, (…) et les instituteurs qui transmettent à leurs élèves du fond de la classe, près du radiateur, le goût de la lecture » comme l’a encore écrit François Bott ? Si, bien sûr ! Alors, je me permets de vous conseiller quelques titres de Louis Nucera. Procurez-vous, par exemple, le « Chemin de la lanterne, « La chanson de Maria », « Le ruban rouge » ou si vous aimez particulièrement les promenades et rencontres littéraires « Mes ports d’attache ».
Louis Nucera est mort sur sa bicyclette. Il a été tué par un automobiliste le 9 août 2000 sur la commune de Carros, près de Nice.

Eric Yung.