mardi 30 mars 2010

"CHARLES BAUDELAIRE, LE DAMNE QUODITIEN DE LA CAPITALE"

Le parisien Charles Baudelaire n’a jamais su se fixer dans un lieu précis bien longtemps. Il a été, sans aucun doute, avec Victor Hugo, l’écrivain ou ( si vous préférez) le poète, qui a habité le plus grand nombre de rues. Né en 1821 à Paris, au 13 rue Hautefeuille, dans le quartier latin, il a connu, jusqu’en 1867, un peu plus de 40 adresses. De chambrettes en hôtels en passant par quelques beaux appartements, Charles Baudelaire avait la bougeotte. Il a d’ailleurs écrit dans « Spleen de Paris » : il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas.

Mais une autre raison, beaucoup plus terre à terre que celle invoquée par le poète l’a conduit, souvent, à déménager : Charles Baudelaire, toujours endetté a fui, sans cesse, son dernier domicile parisien pour échapper aux créanciers qui l'ont recherché.  Et c’est ainsi qu’en moins de trente ans il a habité une quarantaine de lieux dont l’île Saint Louis, au l7 du quai d’Anjou où (précisons le) Théophile Gauthier avait créé le « Club des Haschichins », rue de Beautreillis, rue Yves Toudic et des hôtels de Pigalle, ceux des alentours de la gare du Nord, de la rue d’Amsterdam, de la rue de Provence sans oublier qu’il s’est installé durant 3 ou 4 ans, au 19 Quai Voltaire, dans une chambre du cinquième étage là où il a achevé « Les fleurs du mal » (en l856 ou 57 ?).

Mais peut-on parler de Baudelaire sans évoquer les nombreux lieux publics qu’il a fréquentés avec assiduité et où, faute d’argent, il a souvent résidé ? Les bistrots, les cafés et autres établissements borgnes et plus ou moins louches ont participé a créé la légende baudelairienne. Ainsi, « Le divan », un boui-boui de la rue Pelletier fréquenté aussi par Courbet, Nerval, Berlioz, Dumas et Nadar, le café de Bade du 32 boulevard des Italiens, la Brasserie des Martyrs situé au 7 et 9 de la rue du même nom et les quelques bordels de la rue Frochot. Une rue où le hasard a voulu qu’il rencontre Aglaé dites Apolline Sabatier une des deux femmes qui a compté dans la vie sentimentale de Baudelaire. C’est pour elle, Apolline qu’il a écrit l’Hymne :

Elle se répand dans ma vie


Comme un air imprégné de sel,


Et dans mon âme inassouvie


Verse le goût de l’éternel.



Si vous aimez les promenades littéraires vous pouvez marcher sur les pas de Baudelaire qui a été, selon Jules Laforgue « le premier à parler de Paris en damné quotidien de la capitale ».La poésie, muse délaissée, dit-on, a toujours pourtant le pouvoir de nous transporter dans le temps. Faites-en l'expérience ! Par exemple, levez-vous à l'aube  pour flâner dans l’île St Louis et vous le remarquerez : l'atmosphère est encore imprégnée de la présence du poète qui, en marchant sur le quai de Béthune, a écrit  :



« L’aurore grelottante en robe rose et verte


S’avançait lentement sur la Seine déserte,


Et le sombre Paris, en se frottant les yeux,


Empoignait ses outils, vieillard laborieux ». (1)



Eric Yung.

(1 - Tiré de Le crépuscule du matin –Tableaux parisiens- Fleurs du Mal)