samedi 12 juin 2010

ALLAN KARDEC -


ALLAN KARDEC

Un lieu, un écrivain et un best-seller d’autrefois.
Chronique Yung.


Intéressons-nous à un auteur français, à un homme dont la réputation sulfureuse a franchi nos frontières pour devenir une légende internationale et dont l’œuvre est toujours vendue à des millions d’exemplaires. Il est vrai que son sujet d’études alimente la fantasmagorie liée au besoin humain d’éternité et qu’il donne matière à une réflexion inépuisable. Cet homme, s’appelle : Hippolyte-Léon-Denizard Rivail. Ce nom vous est étranger, pensez-vous ? Ne le croyez pas ! Vous connaissez bien Hippolyte Léon Denisard Rivail.  La dévotion de ses fans ou plutôt de ses « adeptes » (à moins que ce ne soient des disciples) est si grande, que sa tombe serait  la plus visitée et la plus fleurie du cimetière du Père Lachaise ; par ailleurs on remarque que son front est lustré par un siècle et demi de caresses féminines. Enfin, le dit-on.  En réalité, Hippolyte Léon Denisard Rivail est connu sous le pseudonyme de Allan Karkec, le père du spiritisme français. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages consacrés, pêle-mêle, au « Cours pratique et théorique d’arithmétique », au « Plan proposé pour l’amélioration de l’éducation publique » (un livre soutenu par Ampère et qui a reçu le prix de l’académie royale en 1828) , au « Catéchisme grammatical de la langue française » sans omettre, bien évidemment, ses autres ouvrages : « Le livre des Esprits », « Le livre des Médiums » et « L’Evangile selon le spiritisme » ; trois volumes qui ont fait sa célébrité mondiale. Alan Kardec est, aujourd’hui encore, l’un des auteurs français le plus lu au Brésil, par exemple, avec 30 millions de livres vendus. Si ses théories sur le spiritisme peuvent être sujettes à bien des débats et qu’elles peuvent être, ou pas, considérées comme du charlatanisme, il faut bien reconnaître que les théories de Kardec ont séduit bien des intellectuels : Théophile Gauthier, Conan Doyle, Victor Hugo, Camille Flammarion, Victorien Sardou et bien d’autres encore. En réalité, la pensée d’Alan Kardec semble avoir été, par la crédulité populaire et par l’ignorance (au sens philosophique du mot) détournée de son esprit. Kardec, lorsqu’il s’interroge sur les « grands principes de la vie humaine » et qu’il s’inspire des réflexions de St Augustin, de St Jean l’Evangéliste ou de Fénelon, il est, sans aucun doute, beaucoup plus proche du « Connais-toi toi-même » de Socrate que des prophéties de Nostradamus.

Enfin, si cela vous intéresse et que vous ayez envie de mieux connaître Allan Kardec, considéré par beaucoup comme l’un des premiers auteurs sociologiques français, il vous faut visiter son domicile : le 8, rue des Martyrs à Paris. Un autre lieu ? Celui où, dit-on, il aurait eu sa première révélation. C’était dans un petit appartement, situé au fond de la cour, au deuxième étage de l’immeuble du l8 rue de la Grange Batelière. C’est dans le 9° arrondissement. Quant à ses livres vous pouvez encore les trouvez en dans les collections de poche. Découvrir Allan Kardec s’est toujours, et en tous cas pour beaucoup d’entre nous, un voyage initiatique où il faut prendre garde de ne pas s’y perdre.

Eric Yung.

mercredi 9 juin 2010

Sur les pas d'un "mégalo" : François-René de CHATEAUBRIAND.

Un lieu, un écrivain. Chronique
CHATEAUBRIAND

Il a vécu la seconde moitié du l8° siècle et la première du 19°. Né à St Malo le 4 septembre 1768, il est mort à Paris le 4 juillet 1848. C’était un homme politique mais son nom est surtout connu pour son œuvre littéraire et tout particulièrement pour « Les mémoires d’outre tombe ».





Je vous invite à marcher dans les pas du vicomte François-René de Chateaubriand.
Partons ensemble dans ces rues de Paris qu’il a arpenté de long en large, entrons dans les immeubles où cet écrivain, à l’ego surdimensionné, a volontairement laissé des traces qui font, aujourd’hui, le bonheur des randonneurs littéraires. Les plaques de marbre qui portent son nom sont légions dans les rues de la Capitale. Grâce à elles on peut suivre Chateaubriand à la trace : il a fréquenté Madame de Staël au 64, rue de Lille, il a habité au 5, rue de Beaune, au 13 rue des Saints-Pères, au 25 rue de l’Université, il a acheté un pied à terre au 63 rue des Saints Pères, il a batifolé avec Hortense Allart dans une chambre située à quelques pas de chez lui, exactement au n° 32 de la même rue et a séduit la comtesse de Castellane au 67, rue de Grenelle. On trouve aussi un témoignage de son passage au 3 bis rue des Beaux Arts, un souvenir de son amitié avec Lacordaire. Et puis, ne l’oublions pas, lorsqu’il a été en disgrâce il s’est « réfugié » -et c’était en 1807- dans la maison dites de « La vallée aux loups » à Chatenay-Malabry. Il est resté neuf ans. Cette demeure, aujourd’hui propriété du département des Hauts-de-Seine est ouverte au public. Enfin, Chateaubriand a terminé sa vie au 120, rue du Bac. On dit que c’est là qu’il aurait achevé les « Mémoires d’outre- tombe » commencées en 1803 sous le titre des « Mémoires de ma vie ». Une œuvre pensée et construite pour sa renommée posthume. En effet, si l’existence de Chateaubriand a été nourrie de dépaysements, de révolutions, de guerres, de rencontres avec des personnages historiques, d’amours romantiques et de quelques visions prophétiques, il a su, avec beaucoup de style, construire sa propre légende. Il a rendu fameuse sa rencontre avec Washington et en a usé pour ses propres intérêts politiques et il la rapporte, en détails, dans les « Mémoires d’outre-tombe ». Or, l’on sait aujourd’hui qu’elle n’a jamais eu lieu. Ce n’est pas faire injure à Chateaubriand que de dire qu’il a été une sorte de farfadet de la littérature. D’ailleurs, son espièglerie a fait écrire à Stendal « Juste ciel, que tout cela est faux, mais que c’est bien écrit ». Talleyrand lui, pour dénoncer la tendance mégalomaniaque du vicomte s’est exclamé devant la Cour : « Monsieur de Chateaubriand croit qu'il devient sourd car il n'entend plus parler de lui ». C’est dire, n’est-ce pas ?
Le vicomte François-René de Chateaubriand s’est éteint à Paris mais il repose, et vous le savez, à Saint Malo. Sa tombe, comme il l’avait demandé de son vivant, fait face à la mer.

Eric Yung.

dimanche 6 juin 2010

LIRE OU RELIRE "Les Croix de bois" de R. Dorgelés.

R. DORGELES – SUCCES D’AUTREFOIS.


C’était le 17 mars dernier. Au nom de la mémoire de tous les « poilus » et à l’occasion du décès de Lazare Ponticelli, le dernier d’entre eux, mort à 110 ans, un hommage national leur a été rendu le l7 mars dernier. Mais déjà, en 1919, pour que personne n’oublie, Roland Dorgelès avait immortalisé le sacrifice de ces hommes qui ont connu l’enfer. « Les Croix de bois » est et reste l’un des plus grands livres du 20 siècle.

Ce roman, publié dès 1919 et qui connu un grand succès, est inspiré au plus près de la réalité, c'est-à-dire de la boue, du sang et de la mort, de la peur, de la fraternité aussi. Ce livre est un monument de la littérature universelle. Il faut dire que Roland Dorgelès a partagé le drame des poilus. Il est devenu l’un des millions de héros dont la plupart ont donné leur vie parce qu’ils ont cru que ce serait la « der des der ». La guerre 14-18 ? Ce conflit a fait 10 millions de morts et 6 millions de blessés soit, pour le seul camp français, une moyenne de 900 personnes tuées chaque jour. Il faut avoir vécu ce martyr au quotidien, heure par heure et minutes par minute et ce, durant des années, pour pouvoir l’appréhender. Roland Dorgelès, dans « Les croix de bois » a su témoigné de la mystérieuse contradiction humaine selon laquelle les soldats ont été sanguinaires et fraternels, barbares et miséricordieux, nihilistes et plein d’espoir. Relisez, ou vous, jeunes gens lisez les Croix de bois. Pour vous en convaincre il suffit, peut-être, d’en citer de courts extraits :

(…) Il se releva et nous dit, la voix sèche :

- On creuse la-dessous.

Tous se retournèrent, (…)

-Tu es sûr ?

Il fit oui de la tête. (…) Maroux, Bréval, Sulphart se couchèrent dans la galerie, l'oreille à terre. Nous autres les regardions, muets, le cœur dans l'étau. Nous avions tout compris : une mine. Anxieusement, nous écoutions, rageant contre les obus qui ébranlaient la butte de leur coup de bélier. Bréval se releva le premier

- On ne peut pas se tromper, fit-il à mi-voix, ils creusent.

- Il n'y en a qu'un qui travaille, on entend bien, précisa Maroux. Ils ne sont pas loin.

Nous étions tous serrés, immobiles, regardant le sol dur. (…)

Chacun se couchait à son tour pour entendre, et se relevait rembruni. Dans la tranchée, la nouvelle avait déjà couru, et, entre deux obus, les guetteurs écoutaient la pioche effarante qui creusait, creusait...

[...] Au matin, ce fut un présage, une détresse intérieure qui nous réveilla. Ce n'était plus le bruit : un silence tragique, au contraire. L'escouade était muette, atterrée, penchée sur Bréval qui écoutait couché de tout son long. Redressés sur notre litière, nous les regardions.

- Qu'est-ce qu'il y a ? chuchota Demachy.

- Ils ne cognent plus !... Ils doivent bourrer la mine.

Mon cœur s'arrêta net, comme si quelqu'un l'avait pris dans sa main. Je ressentis comme un frisson. C'était vrai, on n'entendait plus creuser. C'était fini.

Bréval se releva, un sourire machinal aux lèvres :

- Il n'y a pas à se tromper. Ils ne cognent plus.

Nous regardions la terre, muets, comme elle. Fouillard, blême, fit le geste de sortir. Sans un mot, Hamel le retint par le bras. Maroux s'était assis, les mains croisées entre les genoux, et tambourinait la planche de sa litière, avec ses gros talons.

- Tais-toi ! lui dit durement Vieublé. Écoute...

Nous tendîmes tous le cou, anxieux, ayant peur de nous tromper. Non ! la pioche avait bien repris. Elle cognait. Oh ! ce qu'on put l'aimer, un instant, cette horrible pioche ! Elle creusait. C'était la grâce. On ne bourrait pas encore la mine, on ne mourrait pas encore... »



« Les croix de bois » de Roland Dorgelès en « livre de poche » et chez Albin Michel.

Eric Yung.