mercredi 4 mai 2011

ARCHIVES CHRONIQUES DE BSCNEWS MAGAZINE~~

2011 10 janvier.

BSCSNEWS MAGAZINE.

- « DASHIELL HAMMETT » aux éditions Omnibus. L’intégrale des nouvelles.
- « FBI » de Fabrizio Calvi. Editions Fayard.
- « FIN DE SERIE » de Christian Rauth. Editions Michel Lafon

- C’est « Une véritable mine d’or » écrit Richard Layman en préface de « Coups de feu dans la nuit », le livre qui rassemble l’intégralité des nouvelles de Dashiell Hammett écrites entre 1924 et 1961 et sorti en librairie il y a quelques semaines. Et en effet, si nous faisons fi du plaisir immédiat et certain de la lecture suscité par les intrigues de celui qui est –dit-on souvent - « le père fondateur du roman noir moderne » et que nous nous intéressons au travail de fond de Hammett, ce recueil est « comme un coffre au trésor » et « fournit la matière brute de ses écrits, celle qui nous permet d’apprécier à sa juste mesure ce que fut son accomplissement littéraire (…)il correspond, aussi, au carnet de notes d’un écrivain. Il montre comment, de la première à la dernière nouvelle, Hammett malaxait ses intrigues, développait ses personnages et affinait sa technique d’écriture ».
Aimer le polar c’est aimer les belles-lettres. Or, cette acceptation intellectuelle permet ici, avec Hammett et grâce à la collection « Intégrale » de chez Omnibus, de mesurer à quel point le « Noir » est profondément littéraire. Un genre –s’il en est – qui exige de ses créateurs, en plus du respect des règles narratives classiques et générales, un sens aigu de l’observation des choses de la vie quotidienne (pour ne pas dire ordinaire) et d’en relever les détails qui, instillés avec rigueur dans une phrase, donneront à l’action sa tension dramatique si particulière. Ce recueil est, sans doute avant tout, l’occasion de découvrir un grand écrivain et son travail. D’ailleurs, André Gide, au début des années quarante, ne s’y est pas trompé. C’est lui qui a permis à Hammett, dès ses premiers romans, d’être édité chez Gallimard et ce bien avant la naissance (en 1945) de la célèbre « Série Noire ». Par ailleurs, et l’ensemble des nouvelles réunies sous le titre « Coups de feu dans la nuit » nous le confirme : Dashiell Hammett est un « auteur social » ; il est un peu l’un des enfants de Victor Hugo. Il a, bien avant d’autres écrivains américains, ancré ses histoires dans l’environnement du petit peuple pour extirper de la misère quelques « durs à cuire » qui feront, le « Hard-boiled School » selon l’expression consacrée des biographes qui ont défini l’œuvre de Hammett. C’est ainsi que le grand Raymond Chandler a pu écrire que « Dashiell Hammett a sorti le polar de la Vénétie pour le jeter dans la rue ». Et puis, ces nouvelles nous disent aussi que leur auteur a, pareil à Hugo justement, « utiliser les techniques du roman populaire en les amplifiant et subvertit les genres en les dépassant » . Il n’est donc pas étonnant – et c’est dire la qualité stylistique de Hammett - que des écrivains tels qu’Hemingway et Simenon aient revendiqué publiquement l’influence de l’ancien détective privé. Pour preuve, et par exemple, ce court extrait de la première nouvelle de « Coups de feu dans la nuit » titrée « Le barbier et sa femme » :
- « Louis Stemler, ignorant la sonnerie (du réveil), sautait du lit et allait se planter devant la fenêtre ouverte. Il inspirait, soufflait, avec force étalage de plaisir, surtout en hiver, et prolongeait cette station à la fenêtre ouverte, jusqu’à ce que son corps soit gelé sous son pyjama. (…)
Pendant ce temps-là, Pearl avait éteint la sonnerie et refermé les yeux en faisant semblant de dormir».
« Coups de feu dans la nuit » est un livre qui enchantera, bien sûr, tous ceux qui admirent Dashiell Hammet mais aussi tous les les amoureux du style et les curieux de l’alchimie littéraire.





Evoquons l’Amérique encore ! Avec « FBI ou l’histoire du bureau par ses agents », un livre de huit cent pages signé Fabrizio Calvi, nous plongeons, comme il ne nous a jamais été permis de le faire jusqu’à aujourd’hui, dans les eaux bouillonnantes d’une grande partie de l’histoire des Etats-Unis. Cet ouvrage cosigné avec le réalisateur de documentaires David Carr-Brown et paru chez Fayard a fait, en tout début de l’année 2010, l’objet d’une série télévisée diffusée en cinq épisodes. Et qui connaît Fabrizio Calvi sait qu’il est un grand connaisseur des affaires criminelles internationales et des services secrets du monde entier. Le sérieux et la rigueur du travail de ce journaliste n’ont jamais été mis en cause. Des qualités professionnelles qui permettent d’affirmer que « FBI ou l’histoire du bureau par ses agents » est plus qu’une somme impressionnante d’informations. Ce livre est un dossier très complet sur le bureau fédéral et il est aussi, par sa forme et son contenu, le résultat d’une véritable enquête historique (elle a duré trois ans) sur une institution judiciaire qui, dès sa création –et c’était en 1908 – a pesé sur les politiques successives de la société américaine. De la révolte des indiens et de leur concentration dans des réserves (1920) pour, ont dit alors les colons, « les aider et les assister », aux attentats du 11 septembre 2001 en passant par le maintien de l’ordre chez les Inuits, l’assassinat de Kennedy, l’affaire du Watergate et la démission provoquée du président Nixon, et encore par l’élimination des pilleurs de banques des années d’avant-guerre, l’exécution des époux Rosenberg, la désorganisation du Ku Klux Klan, l’infiltration de la mafia, la naissance des « profileurs » face au phénomène grandissant (dès les années 60) des tueurs en série sans oublier l’opération « Cointelpro » ayant pour but de discréditer les organisations politiques dissidentes etc… « FBI » de Fabrizio Calvi est un récit d’aventures racontant l’épopée séculaire des agents, parfois très spéciaux, de la plus grande organisation étatique au monde chargée de lutter contre le crime et l’espionnage intérieur. Si Fabrizio Calvi reprend, quasi une par une, les plus grandes affaires politico-judiciaires qui ont, parfois, ébranlé le monde, il nous donne souvent, à travers elles, une vision nouvelle du rôle tenu par le FBI dans la géopolitique internationale ? Par ailleurs cet ouvrage nous montre –et cet aspect du document est fort instructif - l’évolution du bureau fédéral. Au fil du temps, au gré des nécessités face aux nouveaux dangers visant les démocraties occidentales, le FBI a multiplié ses compétences et ses services. Aujourd’hui, l’institution qui distingue plus de deux cent catégories de crimes fédéraux a aussi en charge le contrôle de la médecine légale, l’anti-terroriste, le contre-espionnage et le crime informatique.







Retraversons l’Atlantique, revenons dans l’hexagone et rendons nous à Marseille pour une « Fin de Série ». « Fin de série » ? C’est le titre d’un polar signé Christian Rauth, auteur plus connu du grand public par son métier de comédien et de scénariste que par l’écriture de romans policiers. Remarquons cependant, que Christian Rauth, a déjà commis, (avant Fin de Série) à la demande de Jean-Bernard Pouy, « La Brie ne fait pas le moine » un « Poulpe » édité en 1999 chez Baleine. C’est dire si Rauth a la plume noire qui le démange. On ne serait donc pas surpris qu’il continue à s’exprimer dans la veine du roman policier d’autant que « Fin de série » est plutôt réussi. Ce livre est presque passé inaperçu lors de sa parution en juin 2010. C’est dommage ! Il est vrai que l’éditeur, Michel Laffon, plus connu pour la publication de biographies souvent croustillantes de gens appartenant au monde politique et du show-business, bref au « people », n’incite pas, à priori, la critique littéraire à croire qu’il aurait pu produire un polar méritant l’attention. Or, « Fin de série » est un roman bien intéressant et ce pour plusieurs raisons. L’intrigue d’abord : de facture classique elle capte très vite l’attention des lecteurs que nous sommes et nous trimbale efficacement dans les méandres du récit. Et si les phrases manquent parfois de limpidité, qu’elles ne sont peut-être pas assez dépouillées pour donner plus de force à certaines scènes du roman, le style est néanmoins agréable. Ensuite, la connaissance de Christian Rauth -par la force des choses de son métier - du petit univers clos de la télévision et en particulier de celui des plateaux de tournages de séries policières, ajoute du piment à l’intrigue. C’est ainsi que les héros du roman (tous plus ou moins en quête de reconnaissance publique à défaut d’accéder à la célébrité) permettent à l’auteur de nous exposer, avec talent, des portraits de comédiens imbus d’eux-mêmes, paranoïaques et mégalomanes et qui, nous fait croire l’auteur –mais ce n’est qu’une fiction ! - seraient assez proches de la réalité concernant la personnalité de beaucoup de gens de la télévision. Bien sûr, ces ingrédients narratifs, constituent une excellente matière pour un polar. Jalousies, intrigues, argent et célébrité… sont des mobiles bien connus qui conduisent au meurtre. Alors, lorsque le metteur en scène de la série hurle « moteur » pour filmer Eddy Orlo, l’acteur principal et interprète du commissaire Monti qui, pour les besoins du film, se fait dessouder au calibre 9 par Lucas Kalou, tueur occasionnel qui retourne ensuite l’arme contre lui, tout le monde se félicite de la véracité de l’action. Les acteurs sont formidables évidemment ! L’interprétation est magnifique. Et le réalisateur frise obligatoirement le génie. On applaudit sur le plateau. Mais alors, pourquoi Eddy Orlo et Lucas Kalou ne se relèvent-ils pas ? Et pourquoi le résiné s’écoule de la poitrine des deux acteurs et se répand sur le sol ? Parce que Orlo et Kalou sont morts, pour de vrai. Le pistolet de pacotille chargé à blanc a été remplacé par une arme bien réelle. Que s’est-il passé ? Qui est le tueur ? Pourquoi ce double meurtre ? Mystère ! C’est, en tous cas, le tout début de « Fin de série » le polar signé Christian Rauth que l’on a grand plaisir à lire.