dimanche 6 juin 2010
LIRE OU RELIRE "Les Croix de bois" de R. Dorgelés.
R. DORGELES – SUCCES D’AUTREFOIS.
C’était le 17 mars dernier. Au nom de la mémoire de tous les « poilus » et à l’occasion du décès de Lazare Ponticelli, le dernier d’entre eux, mort à 110 ans, un hommage national leur a été rendu le l7 mars dernier. Mais déjà, en 1919, pour que personne n’oublie, Roland Dorgelès avait immortalisé le sacrifice de ces hommes qui ont connu l’enfer. « Les Croix de bois » est et reste l’un des plus grands livres du 20 siècle.
Ce roman, publié dès 1919 et qui connu un grand succès, est inspiré au plus près de la réalité, c'est-à-dire de la boue, du sang et de la mort, de la peur, de la fraternité aussi. Ce livre est un monument de la littérature universelle. Il faut dire que Roland Dorgelès a partagé le drame des poilus. Il est devenu l’un des millions de héros dont la plupart ont donné leur vie parce qu’ils ont cru que ce serait la « der des der ». La guerre 14-18 ? Ce conflit a fait 10 millions de morts et 6 millions de blessés soit, pour le seul camp français, une moyenne de 900 personnes tuées chaque jour. Il faut avoir vécu ce martyr au quotidien, heure par heure et minutes par minute et ce, durant des années, pour pouvoir l’appréhender. Roland Dorgelès, dans « Les croix de bois » a su témoigné de la mystérieuse contradiction humaine selon laquelle les soldats ont été sanguinaires et fraternels, barbares et miséricordieux, nihilistes et plein d’espoir. Relisez, ou vous, jeunes gens lisez les Croix de bois. Pour vous en convaincre il suffit, peut-être, d’en citer de courts extraits :
(…) Il se releva et nous dit, la voix sèche :
- On creuse la-dessous.
Tous se retournèrent, (…)
-Tu es sûr ?
Il fit oui de la tête. (…) Maroux, Bréval, Sulphart se couchèrent dans la galerie, l'oreille à terre. Nous autres les regardions, muets, le cœur dans l'étau. Nous avions tout compris : une mine. Anxieusement, nous écoutions, rageant contre les obus qui ébranlaient la butte de leur coup de bélier. Bréval se releva le premier
- On ne peut pas se tromper, fit-il à mi-voix, ils creusent.
- Il n'y en a qu'un qui travaille, on entend bien, précisa Maroux. Ils ne sont pas loin.
Nous étions tous serrés, immobiles, regardant le sol dur. (…)
Chacun se couchait à son tour pour entendre, et se relevait rembruni. Dans la tranchée, la nouvelle avait déjà couru, et, entre deux obus, les guetteurs écoutaient la pioche effarante qui creusait, creusait...
[...] Au matin, ce fut un présage, une détresse intérieure qui nous réveilla. Ce n'était plus le bruit : un silence tragique, au contraire. L'escouade était muette, atterrée, penchée sur Bréval qui écoutait couché de tout son long. Redressés sur notre litière, nous les regardions.
- Qu'est-ce qu'il y a ? chuchota Demachy.
- Ils ne cognent plus !... Ils doivent bourrer la mine.
Mon cœur s'arrêta net, comme si quelqu'un l'avait pris dans sa main. Je ressentis comme un frisson. C'était vrai, on n'entendait plus creuser. C'était fini.
Bréval se releva, un sourire machinal aux lèvres :
- Il n'y a pas à se tromper. Ils ne cognent plus.
Nous regardions la terre, muets, comme elle. Fouillard, blême, fit le geste de sortir. Sans un mot, Hamel le retint par le bras. Maroux s'était assis, les mains croisées entre les genoux, et tambourinait la planche de sa litière, avec ses gros talons.
- Tais-toi ! lui dit durement Vieublé. Écoute...
Nous tendîmes tous le cou, anxieux, ayant peur de nous tromper. Non ! la pioche avait bien repris. Elle cognait. Oh ! ce qu'on put l'aimer, un instant, cette horrible pioche ! Elle creusait. C'était la grâce. On ne bourrait pas encore la mine, on ne mourrait pas encore... »
« Les croix de bois » de Roland Dorgelès en « livre de poche » et chez Albin Michel.
Eric Yung.
C’était le 17 mars dernier. Au nom de la mémoire de tous les « poilus » et à l’occasion du décès de Lazare Ponticelli, le dernier d’entre eux, mort à 110 ans, un hommage national leur a été rendu le l7 mars dernier. Mais déjà, en 1919, pour que personne n’oublie, Roland Dorgelès avait immortalisé le sacrifice de ces hommes qui ont connu l’enfer. « Les Croix de bois » est et reste l’un des plus grands livres du 20 siècle.
Ce roman, publié dès 1919 et qui connu un grand succès, est inspiré au plus près de la réalité, c'est-à-dire de la boue, du sang et de la mort, de la peur, de la fraternité aussi. Ce livre est un monument de la littérature universelle. Il faut dire que Roland Dorgelès a partagé le drame des poilus. Il est devenu l’un des millions de héros dont la plupart ont donné leur vie parce qu’ils ont cru que ce serait la « der des der ». La guerre 14-18 ? Ce conflit a fait 10 millions de morts et 6 millions de blessés soit, pour le seul camp français, une moyenne de 900 personnes tuées chaque jour. Il faut avoir vécu ce martyr au quotidien, heure par heure et minutes par minute et ce, durant des années, pour pouvoir l’appréhender. Roland Dorgelès, dans « Les croix de bois » a su témoigné de la mystérieuse contradiction humaine selon laquelle les soldats ont été sanguinaires et fraternels, barbares et miséricordieux, nihilistes et plein d’espoir. Relisez, ou vous, jeunes gens lisez les Croix de bois. Pour vous en convaincre il suffit, peut-être, d’en citer de courts extraits :
(…) Il se releva et nous dit, la voix sèche :
- On creuse la-dessous.
Tous se retournèrent, (…)
-Tu es sûr ?
Il fit oui de la tête. (…) Maroux, Bréval, Sulphart se couchèrent dans la galerie, l'oreille à terre. Nous autres les regardions, muets, le cœur dans l'étau. Nous avions tout compris : une mine. Anxieusement, nous écoutions, rageant contre les obus qui ébranlaient la butte de leur coup de bélier. Bréval se releva le premier
- On ne peut pas se tromper, fit-il à mi-voix, ils creusent.
- Il n'y en a qu'un qui travaille, on entend bien, précisa Maroux. Ils ne sont pas loin.
Nous étions tous serrés, immobiles, regardant le sol dur. (…)
Chacun se couchait à son tour pour entendre, et se relevait rembruni. Dans la tranchée, la nouvelle avait déjà couru, et, entre deux obus, les guetteurs écoutaient la pioche effarante qui creusait, creusait...
[...] Au matin, ce fut un présage, une détresse intérieure qui nous réveilla. Ce n'était plus le bruit : un silence tragique, au contraire. L'escouade était muette, atterrée, penchée sur Bréval qui écoutait couché de tout son long. Redressés sur notre litière, nous les regardions.
- Qu'est-ce qu'il y a ? chuchota Demachy.
- Ils ne cognent plus !... Ils doivent bourrer la mine.
Mon cœur s'arrêta net, comme si quelqu'un l'avait pris dans sa main. Je ressentis comme un frisson. C'était vrai, on n'entendait plus creuser. C'était fini.
Bréval se releva, un sourire machinal aux lèvres :
- Il n'y a pas à se tromper. Ils ne cognent plus.
Nous regardions la terre, muets, comme elle. Fouillard, blême, fit le geste de sortir. Sans un mot, Hamel le retint par le bras. Maroux s'était assis, les mains croisées entre les genoux, et tambourinait la planche de sa litière, avec ses gros talons.
- Tais-toi ! lui dit durement Vieublé. Écoute...
Nous tendîmes tous le cou, anxieux, ayant peur de nous tromper. Non ! la pioche avait bien repris. Elle cognait. Oh ! ce qu'on put l'aimer, un instant, cette horrible pioche ! Elle creusait. C'était la grâce. On ne bourrait pas encore la mine, on ne mourrait pas encore... »
« Les croix de bois » de Roland Dorgelès en « livre de poche » et chez Albin Michel.
Eric Yung.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire