Chronique Eric Yung~~
Comment rester silencieux sur un homme d'une très grande qualité ? Comment pourrait-on, aujourd'hui, ignorer l’écrivain, le poète, l’essayiste et le « politique » Aimé Césaire ? Si presque tout le monde connaît l’itinéraire exceptionnel de Aimé Césaire, ce Martiniquais né au sein d’une famille modeste de sept enfants le 26 juin 1913 à Basse-Pointe, il faut peut-être -pour les plus jeunes d’entre nous - rappeler qui il est et surtout parler de son oeuvre.
L’œuvre de Césaire –et c’est qui en fait son originalité- est faites de philosophie et d’humanisme, de combats politiques et d’espérance, d’esthétisme et de création, de recherches et d’acquis, de connaissances et d'une farouche volonté de transmettre le savoir, d’actes de courage et de rébellion. Un tout soumis à sa propre critique et harmonieusement mis en forme. L'oeuvre d’ Aimé Césaire n’est pas la résultante d’une simple et ordinaire -sommes-nous tenté de dire- construction artistique. Non ! Chez Aimé Césaire, la construction artistique est devenue une œuvre parcequ'elle s'est nourrie de multiples disciplines intellectuelles et qu'elle s’est inscrite en cohérence avec l’action pour devenir une « pensée » ; une pensée élevée ici, chez Césaire, au rang d’universalisme.
Enfant et sitôt finie l'école primaire il bénéficie d’une bourse pour entrer en classe d’hypokhâgne au lycée Louis le Grand à Paris. Dès son premier jour de scolarité il rencontre Léopold Sédar Senghor avec qui il noue une amitié qui durera toujours. Il réussit le concours d’entrée de l’Ecole normale supérieure, sera agrégé de lettres et après avoir enseigné en Martinique il est l'élu de Fort de France et deviendra député communiste. Soulignons ici que cet homme de principe est l’un des très rares hommes politiques à dénoncer l’invasion de Budapest par les chars soviétiques. D'ailleurs, c'est à cette époque qu’il démissionne du Parti communiste français. C’était donc en 1956. Pour la petite histoire rendons à Césaire ce qui appartient à Césaire : c'est lui l'homme de la "départementalisation". En effet, la est un néologisme forgé, dès 1946, par Aimé Césaire. Par « départementalisation » le brillantissime Césaire a voulu remplacer le mot « assimilation », un mot ambigu - reconnaissons-le - lorsqu’il s’agissait de définir le désir des colons d’autrefois de voir les noirs antillais renier leur culture pour s’intégrer dans celle, historique, de la France. De même, c’est Aimé Césaire qui a inventé le concept de « négritude ». Une revendication culturelle ayant pour but de réfuter, à jamais, le racisme issu de l’idéologie colonialiste et ainsi revendiquer les racines africaines des antillais.
La « négritude » est devenue, avec le temps, une école de poésie dans laquelle se sont retrouvés les plus grands auteurs contemporains. C’est d’ailleurs grâce à la
« négritude » que Césaire a été reconnu et aimé des surréalistes, qu’il a été admiré de Jean-Paul Sartre qui lui a préfacé son « Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache ».
L’œuvre littéraire d’Aimé Césaire ne comptent pas moins d’une dizaine de volumes de poésie, d’au moins quatre pièces de théâtre, de plusieurs essais et d’un livre d’histoire. Le poète Césaire est reconnu internationalement, une partie de son œuvre est enseigné aux élèves du monde entier, il a été l’ami de tous et respecté par les plus grands de ce monde. Enfin, pour dire sa tolérance et sa lucidité intellectuelle citons, pour terminer cette chronique, cette phrase (elle est tirée d’ « Une saison au Congo », c’est paru au Seuil) : « Le crayon de Dieu lui-même n’est pas sans gomme ».
Aimé Césaire est mort à l’âge de 94 ans.
Eric YUNG
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